Les Couleurs de Kandy

Sri Lanka - 2019

Il y a des moments dans la vie qui sont plus difficiles que d’autres. La période qui entoure ce voyage en fait parti. Ne sachant pas si cette aventure allait effectivement se passer, nous avons hésité jusqu’au dernier moment. Nous sommes partis en voyage au Sri Lanka avec l’espoir que l’apprentissage des pendants d’une civilisation pour nous inconnue allait alléger toute cette brume dans nos esprits. Ce n’est que minimiser notre surprise. La découverte de personnes au cœur si ouvert, l’initiation au bouddhisme, les traits d’humour et le discernement de ses habitants ont fait de cette île un havre de paix que nous avons emprunté pendant quelques jours. Entre les arbres des denses forêts, dans la foule des temples ou du train, sur les routes sinueuses et fraiches des montagnes vertes, près d’un feu de cheminée dans un hôtel anglais ou dans les roulis des vagues de la côte Sud ; chacun saura apprécier la douceur d’un peuple et de ses coutumes.

  • Jour 01 :
    Paris – Colombo – 05h00

Couchés assez tard hier, on se réveille difficilement le matin à 5h00 pétantes. Mon cœur bat vite, le whisky de la veille tape encore contre mes tempes. Une douche, un jus, et on ferme la valise. Comme à son habitude, le départ s’accompagne de ce sentiment d’avoir oublié quelque chose de crucial. Un chauffeur nous accompagne jusqu’à Roissy, rond avec ses tubes vitrés si particuliers en son centre. Nous le traversons les paupières encore pleines de sommeil. 6h d’avion plus tard, nous atterrissons à Doha. Émirs partout, femmes voilées et cafés à huit euros : bienvenue dans un mélange curieux de luxe et de pudeur. Le prochain avion étant dans 5 heures, nous irons voir les hautes tours et la folie des grandeurs des Qatari une prochaine fois. On patiente tranquillement dans un café après avoir fait le tour de toutes les boutiques de luxe. Ces non-lieux sont tellement hors du temps que seul l’appel de la prière nous rappelle qu’il est ici 19h.

  • Jour 02 :
    Ayubowan

Notre deuxième avion décolle, et on peut déjà avoir un petit aperçu de notre destination entre la langue et les saris des hôtesses, du plateau repas et certains passagers. Nous arrivons sans encombres, et sans trop de sommeil, aux alentours de 6h du matin heure locale. Le ciel est rose flamboyant sur les pistes. Nous passons les contrôles, l’air est chargé d’une odeur assez singulière que j’ai du mal à décrire. Il est lourd et humide, et dégage un mélange d’épices, de jasmin, de fleur de lotus, d’un peu de tout en fait. Nous rencontrons Mohara, notre chauffeur pour l’ensemble du séjour. Il est très sympathique et nous explique beaucoup de choses à chaque fois que nous prenons la route. C’est assez impressionnant, il connaît toutes les dates de l’histoire du Sri Lanka par cœur. Sur la route, les tuk-tuk se frayent un chemin entre les voitures, et les véhicules klaxonnent à tout bout de champ. Nous nous laissons bercer, les yeux rivés par la fenêtre.

Il nous conduit jusqu’à la réserve naturelle de Wilpattu, tandis que nous nous écrasons de sommeil pendant les deux à trois heures de trajet. Arrivés au camp, on est accueilli par un traditionnel cocktail de jus de noix de coco. Nous avons encore nos réflexes méfiants d’européens entre toutes ces personnes qui nous sourient et sont aux petits soins avec nous mais les barrières se brisent petit à petit. On pose nos affaires dans la tente sortie tout droit d’un film d’Indiana Jones, qui nous servira d’abri pour la nuit.

Des petits chemins de terres bombés, pour que les pluies torrentielles sillonnent entre les arbres, connectent les tentes. 13h, nous allons manger notre premier «rice & curry». Dans le village alentour, des carrés de tissus blanc flottent à chaque porte et un grand bandeau est suspendu a l’entrée du village. On apprend par la suite que c’est un signe de deuil bouddhiste et que cela dure pendant une semaine. 

L’après midi, qui nous semble être une nouvelle journée, commence par un safari en jeep pendant lequel nous avons pu apercevoir dans leurs habitats naturels : mangouste, éléphant, paons, biches, iguanes, aigles et singes. Nous scrutons la végétation afin de voir le fameux léopard de la réserve, en vain. Enivrés par la vitesse de la jeep qui fend l’air et passe les gués, nous rions, bousculés de toutes parts. Notre chauffeur de jeep nous offre à boire sur la terrasse de sa modeste maison : soda et biscuits. Lui et sa femme restent debout dans l’entrebâillement de la porte menant vers leur salle à vivre où la télévision est allumée en bruit de fond. Le soir tombe à 6h45. 45 minutes plus tard : nuit noir. Nous profitons d’un dîner autour d’un grand feu de camp et torches, sous un ciel étoilé.

  • Jour 03 :
    Bouddhisme 101

Réveil dans la tente sous la moustiquaire. La lumière est douce et le bruit d’oiseaux inconnus est tout autour de nous. Une petite grenouille jaune a trouvé refuge sur le miroir de la salle de bain. Petit-déjeuner et départ pour Anarudhapura et ses temples bouddhistes. 

Nous nous baladons entre les stupas (dagobah au nom local). Ce sont de larges dômes, pointus et fermés qui contiennent une relique de Bouddha. Pieds nus comme le veux l’usage, c’est assez grisant de se promener ainsi entre les gens et dans les bâtiments. Un temple en particulier retient notre attention et marque nos souvenirs : celui de l’arbre Bohdi, gigantesque ficus vieux de 2000 ans. Nous baignons dans une ambiance de recueillement et de famille, je crois que je n’ai pris aucune photo tellement j’étais pris dans l’instant et dans la pudeur des gens qui se recueillaient devant nous, heureux et fiers d’être la. Des offrandes, des sourires partout, et l’odeur des fleurs de lotus et de jasmin. Seuls les moines sont autorisés à s’approcher de l’Arbre sacré. A la sortie nous nous rechaussons près de gens qui partagent du thé et des biscuits.

La chaleur devient accablante. Nous continuons nos visites dans ce vaste site d’Anarudhapura entre les arbres, les temples en ruine et les dagobah blanches ou en briques. C’est le territoire des petits singes. Nous faisons le tour de la plus grande dagobah du Sri Lanka, les pieds sur le sable chaud. Sa blancheur est étincelante. Nous en faisons le tour  et cherchons l’ombre et la fraîcheur du sol qui n’existent pas. Des fidèles, bien que moins nombreux, font ici aussi des offrandes.

L’après midi nous continuons à Minhitale, un site constitué de trois rochers sacrés. Nous grimpons sur l’un d’entre eux, des entailles et escaliers gravés à même la roche. Il est 15h30 et le sol rocailleux est brûlant sous nos pieds. Nous arrivons tant bien que mal au sommet et la vue est vertigineuse. Rizières, plaines et montagnes jusqu’à l’horizon sous une légère brume blanche laiteuse.

Nous redescendons doucement et finissons les visites par une dernière dagobah sur l’un des rochers adjacent. La plupart sont peintes à la chaux, ce qui rappelle la Grèce et ses villages de blanc éclatant. Nous repartons ensuite jusqu’à Dambulla pour la nuit, petit tour dans la piscine et douche à ciel ouvert. Idéal après cette chaude journée. La douceur et la bienveillance des bouddhistes est contagieuse.

  • Jour 04 :
    L’appel de l’aventure

Le réveil retentit au lever du soleil. Un petit déjeuner et nous partons. Ce matin nous allons explorer Ritigale, grande forêt tropicale dans laquelle les vestiges de pierre d’un ancien temple bouddhiste se sont éparpillés. Nous enjambons les épaisses racines des arbres centenaires, tels des explorateurs contemporains. De grandes marches en pierre serpentent entre les arbres et disparaissent parfois dans le creux d’une colline ou s’effacent petit à petit. Nous découvrons caché dans la forêt, trois lieux de méditations bouddhistes et leurs bains de purification. Ils sont composés de deux espaces rectangulaires, l’un comme un socle où la vie commune avait lieu, l’autre seulement délimité par de larges pierres placées de façon régulière comme une plantation.

Lors d’un croisement, Mohara nous explique un panneau nous indiquant que nous devons rebrousser chemin à cause de la présence de serpents … nous repartons à contrecœur. Sortis de la forêt, nous prenons ensuite un tuk-tuk pour aller déjeuner chez l’habitant. Trois femmes nous accueillent dans une petite maison aux murs d’argile et au toit tissé de feuilles de cocotier.

Elles nous montrent comment sortir les grains de riz de leur cosse, comment couper une noix de coco et en extraire le jus, comment en sortir toute la chair et préparer un condiment en y ajoutant deux piments rouges et du citron vert.

Elles apportent ensuite plusieurs petits plats en terre cuite dans lesquels se trouvent plusieurs curry, riz, poisson séché. On goûte de tout, dans des assiettes recouvertes de feuilles de bananier, et avec les doigts bien sûr. Un délice !

Nous les remercions chaleureusement et montons dans une pirogue de fortune afin de traverser le réservoir avoisinant. Navigation en 15 minutes, rapide mais le flottement de l’eau et le calme sont apaisants.

Nous partons ensuite pour Sigiriya, affronter l’escalade du Rocher du Lion. La montée se fait douce mais sportive. Nous découvrons les derniers dessins peints directement sur la roche, de femmes aux seins ronds et aux belles courbes. L’ensemble du rocher semble avoir été un jour recouvert de ces peintures.

A mi-chemin, à peine arrivés devant les pattes du lion, une averse nous tombe dessus. On se réfugie d’abord sous un arbre, puis dans une petite cahutte avec des locaux et quelques touristes. Quinze minutes plus tard, nous reprenons l’ascension. Au fur et à mesure de la montée, nous apercevons des entailles dans la roche, vestiges d’échelles taillées à même le minéral. Les strates du rocher nous apparaissent lors de la montée, la lumière se fait douce.

La vue en haut est superbe sur le paysage environnant. Les ruines sont disposées en plateaux, ce qui constitue une balade amusante sur le sommet, presque comme un labyrinthe. Nous circulons entre les singes qui nous guettent de leurs yeux jaunes perçants. La descente, puis le chemin pour retrouver Mohara. Quelques ruines éparses, encore plus de singes qui viennent nous taquiner les chevilles ou qui se jettent entre les branches.

En partant, nous demandons à faire un détour par un hôtel construit par l’architecte Geoffrey Bawa, bâtiment très élancé, incrusté dans la colline et noyé de végétation. Des rochers apparaissent ça et là dans les circulations, les fenêtres des chambres sont masquées par des moucharabiehs de lianes, légères courbes ponctuelles dans certains espaces. Un bâtiment intégré dans la nature, comme si, par endroits, il était apparut avant elle. Nous rentrons dîner et prendre une douche à l’hôtel. Une grenouille toute petite squatte notre salle de bain, nous essayons de la relâcher dehors mais elle est bien trop rapide. Du coup, on l’adopte et l’appelle Froggy.

  • Jour 05 :
    Le temple dans la montagne

La journée commence par la visite des multiples ruines et temples de Polunnaruwa. Sur la route, nous y avons croisé un éléphant qui semblait perdu. J’ai cru voir de l’inquiétude dans ses yeux mais je rêve peut être … 

Arrivés, nous enfourchons des vélos en état incertain et circulons entre les différents sites éparpillés. On se déchausse et rechausse à volonté, pratique bouddhiste oblige. Certains endroits sont magiques, avec des énormes statues de Bouddha entre des murs de briques qui s’effondrent à moitié. Nous voyons également de belles pierres de lune, ainsi que de multiples stupas, ces tumulus de brique parfois recouvertes de chaux afin de protéger des reliques bouddhistes (principalement des os de moines remarquables). Certains temples du monastère possédaient des toitures en bois (charpente et « tuiles » en cocotier tressé).

Beaucoup ont souffert d’un incendie et on peut y voir désormais uniquement les piliers de pierre qui restent, bien droits et alignés, portant cette charpente virtuelle qui n’existe plus. Fin de notre balade à vélo, on se rafraîchit avec une King Coconut, et on reprend la route pour Dambulla.

Nous visitons alors le superbe Rock Temple, un temple bouddhiste incrusté dans une falaise. Une petite ascension pour arriver au somment du rocher, nous nous posons quelques minutes sur un surplomb à regarder les personnes qui arrivent, ainsi que la colline d’en face et ses nuances de vert. Nous rentrons ensuite dans l’enceinte.

Tout y est. La beauté et la simplicité du lieu, l’ambiance, la vue, quelques chants au loin, l’odeur de jasmin et de lotus … Nous parcourons l’ensemble des salles et surtout la grande cour élancée devant le temple, en admirant la délimitation entre la toiture et la roche qui la surplombe. Une forte envie de rester là bas et d’oublier tout le reste. Nous partons en début de soirée pour la ville de Kandy.

  • Jour 06 :
    Parmi les locaux

Au matin, nous nous rendons au temple de la dent, sensé abriter la relique d’une molaire de bouddha, récupérée après son incinération. Le temple est superbe, et nous arrivons au bon moment pour pūya, entre 9h30 et 11h. De nombreux fidèles s’amassent et viennent déposer leurs offrandes de fleurs sur un autel. Un beau moment de douceur, seuls parmi les prieurs. Nous croisons beaucoup de regards bienveillants, notre curiosité discrète et silencieuse semble être appréciée. Nous restons là un moment dans un coin, à regarder les déambulations autour de nous. 

En bas, un cortège de moines arrive pour récupérer un tissu. Des joueurs de percussion viennent rythmer le tout. De nombreux groupes scolaires, habillés en blanc, s’amassent dans le temple.

Nous parcourons ensuite le musée afin d’en apprendre un peu plus. Dans les vitrines : des bijoux, des plats, et l’histoire du lieu qui a été visé par une bombe quelques années auparavant. On sort de ce temple, apaisés et heureux d’avoir pu partager un moment de recueillement avec les fidèles. Le midi et l’après midi est consacré aux déambulations et flâneries dans la ville. Les rues sont composées de successions échoppes les unes après les autres. On s’achète deux pantalons en lin sur le marché, en négociant comme le veut la coutume. Nous visitons également le marché couvert, plus spécialisé dans la nourriture et les épices.

  • Jour 07 :
    Au pied du sommet

La matinée commence par la visite du jardin botanique et des centaines d’espèces d’arbres. Tous aussi impressionnants les uns que les autres, coup de cœur pour le ficus de Java, un arbre très allongé et assez bas, provoquant une tonnelle naturelle et ombragée. Plusieurs couples s’y reposent. Nous y croisons plusieurs enfants et on s’amuse à les faire rire et à les photographier. Le midi, nous déjeunons au bord de la route dans une petite cantine locale en extérieur. Le curry est épicé et délicieux.

Sur le chemin, nous passons une petite demi-heure à visiter une plantation de thé, et à en déguster ensuite. Des trombes d’eau tombent du ciel à ce moment là. Nous filons ensuite à notre prochain hôtel près de Adam’s Peak, montagne sinueuse que nous devrons gravir demain matin aux aurores. Dîner vers 19h et couchés à 20h, tout en programmant le réveil pour 01h30 le lendemain …

  • Jour 08 :
    Pèlerinage et ascension

Le réveil sonne et je saute dans un pantalon. Nous poussons la porte de l’auberge les yeux encore embrumés par le sommeil. On commence à marcher, il est 01h32 du matin, et on peut apercevoir quelques lumières au loin. Plus on se rapproche, plus on peut distinguer des kiosques qui vendent boissons, nourriture, et vêtements polaires aux couleurs et motifs criard, bonnets et gants. Cette région étant plus froide que Kandy ou que le nord que nous avons déjà parcouru, les sri-lankais se couvrent chaudement alors que nous sommes en t-shirt. Cette inversion de contraste nous amuse. Les gens affluent et le chemin ressemble de plus en plus à une fourmilière. Nous passons une porte de pierre et l’ascension commence. Jusqu’aux deux premiers tiers, c’est assez éprouvant, les marches sont disproportionnés et il faut slalomer entre les personnes, mais ça le fait, nous avançons vite. Il y a de nombreux stops, des gens se baignent dans la rivière pour fêter leur première ascension, d’autres dorment assis, certains mangent.

Les croyants locaux ont commencé bien plus tôt que nous. Point positif, nous voyons très peu de touristes, et entendons uniquement des voix et chants cinghalais autour de nous. Petit à petit, la population autour de nous se densifie. À un moment donné, nous remarquons qu’une sorte de toile d’araignée en fils blancs commence à se former sur la gauche des marches. Certaines personnes y ajoutent un brin en montant, représentant symboliquement l’histoire selon laquelle Bouddha se serait arrêté pour rapiécer un trou dans sa toge. Nous croisons également des personnes âgées, des enfants, et des parents les portant sur leurs épaules ou à bout de bras. Les pèlerins sont très impliqués et nous prenons cœur à nous immerger parmi eux. Le lever du soleil approche, il est 06h30 et nous avançons bien trop lentement dans ce bouchon humain. Le ciel se dégage, s’illumine, la foule avance légèrement et j’arrive à me hisser afin d’avoir une vue dégagée entre les arbres et les ribambelles de drapeaux bouddhistes. Le soleil irradie la brume stagnante au fond des montagnes, c’est irréel.

On essaye d’attendre encore dans la queue, sympathisant avec un groupe de norvégiens venus ici avec leur professeur de religion qui parlait couramment le cinghalais. Nous sommes partis aux alentours de 08h00, après 06h30 de pèlerinage dans la montagne. Il devait nous rester les 200 dernières marches et deux heures minimum afin de les franchir. Nous sommes redescendus avec une sensation de chemin non-accompli, mais heureux d’avoir vu ce paysage se révéler à nous et d’avoir vécu un moment particulier parmi les locaux. Une expérience inoubliable. Arrivés en bas, nous racontons tout cela à Mohara, on prend une douche, des étirements, un petit déjeuner bien mérité, et on reprend la route pour Nuwara Eliya. On s’arrête plusieurs fois en chemin pour observer la vue sur les plantations de thé incrustées à flanc de collines, ou sur des plateaux. On arrive dans un petit hôtel typiquement anglais, où nous prenons le thé dans le salon. Le maître d’hôtel nous fait un feu de cheminée, nous sommes les seules personnes ici, la demeure ne comptant que quatre chambres. Du thé, un feu, un lord anglais, de la lecture et une deco kitsch, tout ce décor de film est bien présent.

  • Jour 09 :
    Tea time

Ce matin nous partons à 06h00 pour une balade dans le parc national de Horton Plains. Il fait frais. La balade fait une boucle dans les plaines et les arbustes. Les collines sont jaunes, la terre alterne entre ocre, rouge sang et pourpre par endroits. Nous croisons beaucoup d’oiseaux et des petits rongeurs. Sur le chemin, nous traversons une zone d’arbustes aux petites feuilles vert foncé, nous approchons d’une cascade, traversons des cours d’eau et petit-déjeunons à mi-parcours avec une vue panoramique : World’s End ! Maintenant il fait bien chaud dans la plaine. Nous imaginons ce lieu habité d’une centaine d’éléphants, avant qu’ils ne soient tous tués par un colon anglais à la fin du 19ème. En terminant notre boucle, nous croisons des locaux venant faire une visite dominicale, emmitouflés dans leurs polaires. 

Nous passons le midi à Nuwara Eliya à manger des petits sandwich bien épicés mais délicieux, et achetons 2 kilos (!) de thé vert et thé noir dans une petite boutique. Ici, comme en Inde, les cuillères sont toutes rondouillettes, alors on en cherche de belles pour en ramener chez nous, mais on rentre bredouille. Les magasins ferment tôt le dimanche, nous rentrons donc tranquillement à l’hôtel avant que l’orage ne gronde aux alentours de 16h. Nous allons ensuite prendre un cocktail au thé et dîner dans une grande bâtisse anglaise un peu plus loin.

  • Jour 10 :
    Prendre le train

Petit-déjeuner rapide a l’hôtel et nous filons prendre le train pour Haputhale. Nous arrivons 40 minutes en avance et réussissons à obtenir les derniers billets 3ème classe. La gare porte encore les signes de la colonisation avec son blason à l’entrée et le tabeau en bois pour indiquer les prochains départs. Nous nous hissons dans le train en jouant des coudes.

Le trajet fut bien encombré, les places assises se faisant rares et les personnes se compressent comme dans le Shinkansen. J’ai donc passé 2h30 debout contre des sri-lankais dont une personne âgée assise en partie sur les pieds. Un vrai joli troupeau. J’ai tout de même pu prendre des gens en photos. Encore une expérience singulière parmi les locaux.

Laure était assise en face d’une famille de deux parents et deux enfants bien trop mignons. Les parents sont doux avec leurs enfants. La toute petite dort à moitié dans sa robe bleue et dorée et le garçon regarde le paysage par la fenêtre sur les genoux de son père.

Le monsieur de 60 ans à côté de Laure allait jusqu’à Ella pour chercher du travail. Un jeune était accroché dehors à la porte du train, un groupe d’ados mangeait des beignets fourrés au dhal et des piments rouges grillés.

Le paysage défile pendant ce temps là entre les gares et les plantations de thé. À chaque arrêt, des personnes passent devant les fenêtres pour vendre des noisettes grillés ou des petits samoussas. Nous arrivons à nous faufiler en dehors du train, un petit coucou par la fenêtre à nos voisins et nous retrouvons Mohara qui rigole en nous voyant. 

On prend la route pour Lipton’s Seat. Petit à petit, nous arrivons dans la montagne, et les nuages nous encerclent au fur et à mesure de la montée. Nous nous retrouvons dans un paysage mystique composé de brume, d’arbres disparaissant dans le lointain et de plantations de thé à perte de vue.

La route était trop étroite sur les derniers kilomètres qui serpentent jusqu’au sommet, nous prenons un tuk-tuk qui fonce à vive allure entre les plantations. Je contemple cet endroit qui parait irréel après ce voyage en train. Laure me dit que j’ai les yeux qui pétillent.

Nous prenons quelques feuilles de thé en souvenir, et passons un moment à rêvasser en regardant la brume se déplacer au gré du vent entre les vallons.

On s’arrête manger des samoussas et naans avec des gens du coin. Nous redescendons en tuk-tuk, les cueilleuses en sari se sont remises à travailler et apparaissent comme des points de couleurs parmi tout ce vert. Départ pour Ella. 

Nous posons nos affaires à l’auberge, et partons pour une randonnée : escalader le Mini Adam’s Peak. Seulement quelques 300 marches plus haut, on arrive à un sommet qui domine les environs, avec une statuette dorée de Bouddha et ses fanions colorés qui prennent le vent. Des petits chiots trottent dans le coin. Le soleil se couche progressivement. Nous restons là à le regarder descendre et les nuages se colorer, avant que la pluie nous rappelle à l’ordre. On se balade ensuite dans la ville, rachetons du thé dans une boutique équitable, un petit bracelet souvenir, puis nous allons prendre des mojitos dans un restaurant dont la charpente est entièrement faite de bambous. On mange indien, et on rentre se coucher, ravis de la poésie de la journée.

  • Jour 11 :
    Drôles d’éléphants

Après un copieux petit-déjeuner, nous allons voir le train passer sur le pont aux neuf arches de pierre, perdu entre Haputhale et l’entrée de Ella. Le train ralentit à cet endroit et se glisse entre les arbres en faisant une courbe. Nous faisons un stop devant une belle cascade ou nous mettons les pieds dans l’eau fraîche. On roule ensuite entre plantations et collines rocheuses pendant trois bonnes heures afin de rejoindre le parc national de Udawalawe. Nous posons nos valises, dévorons un riz-curry à côté et sautons dans la jeep qui va nous balader toute l’après-midi. 

Au bout de quelques minutes, nous avançons dans le parc et nous retrouvons seuls. Un éléphant apparait au bord du chemin, entre les arbres. Il mange dans son coin, puis se rapproche de nous, petit à petit, pour finir à 1 mètre de nos yeux. On peut voir de près ses grands cils, sa peau craquelée et sa trompe qui tourne dans tous les sens pour attraper des brins d’herbe. On le regarde manger pendant quelques minutes qui paraissent des heures, comme des enfants qui peuvent regarder le même spectacle sans se lasser.

En continuant la route, on voit encore un éléphant, puis un autre, puis plusieurs éléphants vivant leur vie, éparpillés ou en groupe, mangeant le long de la route et même la traverse parfois. Des buffles se baignent dans le lac, un d’entre eux s’approche pour se gratter contre une souche d’arbre. Des hérons, des oiseaux vert émeraude, des crocodiles et des tortues ponctuaient le chemin. Balade intéressante parmi des espèces endémiques, en liberté dans un parc immense. A un moment donné, le conducteur de la jeep force afin de traverser un gué que les autres n’osaient franchir, et nous nous retrouvons seuls sur une rive du lac. Nous passons un moment là , à rouler proche de l’eau en regardant les hérons, le vent dans le visage et le soleil qui se reflète dans l’eau.

Un éléphant curieux renifle des bananes dans la jeep et tend sa trompe par la fenêtre du chauffeur pour essayer de les récupérer. On se pose près d’un point d’eau entre des rochers pour se détendre les jambes. Posés sur un point haut entouré par la végétation, on se rend compte de l’étendue du parc. Silence complet. Le soleil commence à descendre. On rentre doucement à notre gîte, petit saut dans la piscine et allons dîner. C’est un soir de pleine lune, soirée sacrée ici. 

  • Jour 12 :
    Chaleur

Nous partons ce matin dans la montagne pour une balade dans la jungle de Singaraja. La route pour y accéder est longue et sinueuse, nous dormons un peu et prenons en photo des gens et leurs maisons traditionnelles par la fenêtre.

Un enfant s’amuse à me tirer dessus avec son arc imaginaire, je joue avec lui en me cachant derrière la portière. J’entends son rire et m’amuse de ses sauts de joie. Plus loin nous traversons encore des champs de thé. Il fait doux dehors, et nous roulons la fenêtre ouverte. Le bonheur de croiser des regards et des sourires. Dans un tournant, deux femmes cueilleuses font un large sourire à Laure et la salue. Un instant de complicité.

On arrive sur un plateau à la lisière de la jungle, saluons notre guide explorateur avec qui nous parlons par gestes, remontons nos chaussettes par dessus nos pantalons pour éviter les sangsues et partons. Balade intense dans la forêt à grimper entre les racines des arbres, les fleurs, les plantes carnivores, oiseaux, papillons, araignées et singes noirs. Cette marche nous mène jusqu’au plus grand arbre de la foret avec un tronc de 6 mètres de circonférence. 

Deux bonnes heures plus tard, nous tournons le dos et partons pour Tangalle. On mange sur le chemin et arrivons à la tombée de la nuit vers 19h à notre petite cabane sur la plage, qui est envahie de petites bêtes. Il fait très chaud au bord de la mer, et il est interdit de se baigner sur cette plage à cause des lames de fond violentes qui peuvent empêcher de remonter à la surface. Nous mangeons, face à la plage, un barracuda fraichement pêché de ce matin aromatisé avec tomates, gingembre et ail. Le tout accompagné de riz bien entendu. Rassasiés, nous regardons la mer un moment, la lune est lumineuse et éclaire l’étendue de la plage. La nuit fut éprouvante à cause de la forte chaleur, malgré le ventilateur au plafond, mais je réussis à fermer l’oeil paisiblement quelques heures.

  • Jour 13 :
    Bord de mer

Au réveil, nous découvrons notre cabane envahie cette fois-ci par le Soleil. Le cadre est idyllique et nous allons prendre le petit-déjeuner face à la mer. Des gens bronzent ou restent sous les parasols … pas grand chose à faire par ici. Nous allons tremper nos pieds, une vague sous surprend et nous mouille jusqu’au genoux. Il fait très chaud au bord de la mer, et il est interdit de s’y baigner sur cette plage à cause des lames de fond violentes qui peuvent empêcher de remonter à la surface. 

Nous partons pour Mirissa, et filons nous baigner une fois arrivés. Ici c’est possible car la baie et les brises-vagues rendent la mer moins dangereuse. De grandes vagues nous assomment, grande rigolade et détente. Nous flânons ici et là, entre mer et transats, en regardant les gens et en imaginant leurs vies respectives. Nous testons dans l’après-midi un massage ayurvédique, massage aux plantes et aux huiles essentielles pendant une bonne heure. Journée creuse mais apaisante.

  • Jour 14 :
    Enfants de Galle

Réveil dans cette chambre aux rideaux jaune, la lumière est douce.

Baignade matinale. Les vagues sont encore plus grandes qu’hier. Nous tourbillonnons au fond des roulis, entrainés par les courants. Une vague m’entraine sur une vingtaine de mètres vers le rivage, j’en fais une pirouette les pieds en l’air. Après ce réveil vivifiant, nous rassemblons nos affaires, emballons les maillots de bain et serviettes qui sèchent, et partons pour notre dernière destination : Galle. 

Sur le chemin, nous apercevons les fameux pêcheurs typiques perchés sur leur branche, les pieds recroquevillés pour mieux prendre appuis. Mohara nous apprend que ce sont en fait des acteurs qui sont payés à la photographie de touriste, la pêche se fait désormais au filet par ici. Le marché aux poissons n’est pas loin. Nous payons notre photo souvenir et reprenons la route. Nous arrivons à Galle sous 36 degrés.

C’est une ancienne ville fortifiée coloniale portugaise puis hollandaise, qui en a gardé certains aspects comme l’organisation de la ville, des boutiques typiques et autres sensations européennes. Les hôtels sont également typés, revêtus de blanc, de bois, et de faïence de Delft. Chaque boutique dans la ville se ressemble, on y retrouve les mêmes thés, les mêmes éléphants et statuettes de Bouddha. D’autres boutiques vendent des bijoux et pierres précieuses. Les rues sont calmes comparées aux autres villes que nous avons visitées. On s’offre une glace et la fraîcheur du lieu. 

Lorsque le soleil commence à descendre, des jeunes sortent jouer au cricket. Des centaines d’enfants sortent de classe et viennent en groupe avec leur professeur se balader sur le fort dans leur uniforme blanc. C’est comme si toutes les classes confondues se donnaient rendez-vous sur les hauteurs de la ville.

Un groupe de filles mettent les pieds dans l’eau pour la première fois, et crient de surprise lorsque les vagues viennent leur caresser les chevilles. Nous les observons un moment, leur enseignant les encourage toutes à tester et les surveillent, deux par deux. Les enfants sont très disciplinés et se tiennent toujours par la main. Discipline qui se retrouve chez des groupes d’adultes, qui se tiennent également par la main entre amis parfois. Nous continuons notre balade sur le fort en nous faufilant entre les enfants qui jouent et essayent de venir nous parler avant de repartir en rigolant. L’ambiance est à la fête.

Une masse de personnes s’accumule sur les remparts alors que le soleil devient de plus en plus orangé. Nous rentrons à l’intérieur de la ville lorsque que la masse se dissipe et que le soleil ait basculé de l’autre coté de l’horizon. On dîne dans une petit endroit au calme en ressassant déjà nos souvenirs des premiers jours sur cette ile.

  • Jour 15 :
    Bye-bye

La matinée est consacrée à profiter un peu du lit confortable, puis à tenter de rentrer toutes nos affaires et souvenirs dans nos valises pour le grand retour, le tout en s’enfilant trois tasses de thé. Mohara nous prend au passage et nous conduit à l’aéroport en trois heures environ. Nous achetons sur le chemin deux noix de coco à mettre dans nos valises, et une à déguster avant de continuer la route. Nous disons au-revoir à notre chevalier de la route qui retourne voir ses enfants pour quelques jours avant de recommencer. On attend, s’enregistre, attendons encore, prenons un sandwich, attendons, passons les contrôles de sécurité, attendons … Premier vol jusqu’à Chennai sans problèmes.

Arrivés en Inde, nous sommes placés dans une salle de transit avec des clips de musique indienne en boucle sur la télévision placée dans un coin de la pièce. Une dame de l’aéroport nous prend nos passeports pour nous enregistrer tandis que nous devons attendre une heure ou deux son retour. Enfin sortis, nous patientons pour notre dernier vol pour Paris. Nous sommes bien loin des montagnes de Nuwara Eliya mais nous croisons toujours des personnes qui se baladent avec leur bonnet ou leur cache-oreilles. Alors que nous sommes en t-shirt. Nous arrivons à 8h à Paris, souriants et pleins d’énergie. Dans un coin de la tête, flotte encore l’odeur du jasmin.